Voyager en car est une expérience unique qui m’a toujours attiré. Contrairement à la voiture, le car permet de ressentir le passage du temps et des lieux. Le trajet devient une véritable transition, où l’on quitte peu à peu le rythme effréné de la vie quotidienne pour plonger dans la tranquillité des villages marocains. Chaque arrêt est une invitation à la rencontre, à l’échange avec les passagers, qu’ils soient des habitants locaux ou des voyageurs comme moi. On a le temps de dormir, de réfléchir, de rêver en regardant les paysages évoluer. Et puis, il y a cette satisfaction personnelle de savoir que l’empreinte carbone de ce mode de transport est moindre, une petite contribution à la préservation des lieux que l’on traverse.

Au début du trajet, les vastes plaines agricoles s'étendent à perte de vue. La culture intensive est omniprésente, mais petit à petit, le décor change. Des collines apparaissent, parsemées d’oliviers qui témoignent de la montée en altitude. La route devient sinueuse, grimpant dans les montagnes du Haut Atlas.

Puis, nous atteignons Imilchil, un village perché à 2 000 mètres d’altitude, au cœur de l’Atlas. Ce village a toujours été spécial pour moi, car j’ai eu la chance de l’observer évoluer au fil des années. Bien qu’aujourd’hui les infrastructures publiques se soient améliorées – des routes, des écoles et quelques dispensaires médicaux –, la vie dans ces montagnes reste rude et exigeante. Ici, on a l’impression de pénétrer dans un monde à part, où les relations sociales sont encore fortement ancrées dans les valeurs familiales et tribales. La modernité n’a pas effacé l’importance des liens de communauté, ce qui rend la vie à Imilchil si authentique et intense.

Un Anniversaire au Sommet

Pour mon anniversaire, j'ai choisi une aventure particulière : gravir le sommet du Messder Idder. C’est un défi physique, mais aussi une manière de célébrer la beauté brute de la nature. Pour m’accompagner, Mohammed, mon guide de trekking et un ami de longue date, m'attend avec son sourire chaleureux. Né à Imilchil, Mohammed s’est formé tout seul. Après des études d’écologie à Marrakech, il est revenu chez lui, passionné par la nature et soucieux de protéger son environnement. Il connaît ces montagnes comme sa poche et est l’un des meilleurs guides d’aventure que je connaisse. Ce qui me plaît avec Mohammed, c’est notre capacité à échanger sur des sujets profonds : l’environnement, les écosystèmes de la région, et surtout la vie des habitants, leurs difficultés et leurs espoirs.

L’ascension du Messder Idder est loin d’être facile. La pente est raide, les sentiers sont parfois rocailleux, mais la beauté des paysages qui nous entourent compense tous les efforts. Chaque pas nous rapproche un peu plus du sommet, et l’air pur de la montagne, chargé d’énergie, nous pousse à aller toujours plus loin. À mesure que nous grimpons, le silence se fait plus présent, seulement interrompu par le bruit de nos pas et le souffle du vent. Lorsque nous atteignons finalement le sommet, la vue est époustouflante. Les montagnes s’étendent à perte de vue, et le sentiment d’accomplissement est indescriptible.


Une Rencontre Improbable

Sur le chemin du retour, nous croisons deux jeunes bergers qui gardent leurs troupeaux. À première vue, ils semblent correspondre à l’image classique du berger dans les montagnes. Mais en discutant avec eux, nous découvrons qu’ils sont bien plus que cela. Tous deux sont étudiants à l’université, l’un en biologie, l’autre en sciences politiques. Ils ont déjà obtenu leur licence et rêvent de poursuivre leurs études jusqu’au doctorat. L’été, ils reviennent à Imilchil pour aider leurs parents avec les troupeaux. Leur histoire est inspirante, un mélange de tradition et de modernité qui illustre les nouveaux défis auxquels font face les jeunes de la région.

Retrouvailles et Traditions

De retour à Imilchil, la vie du village semble immuable. Nous retrouvons de vieux amis, ceux-là mêmes qui vivent ici depuis toujours. Ils sont en train de sécher du blé sous le soleil éclatant. Ce blé, une variété ancienne typique de la région, est un symbole de la résilience de ces agriculteurs face aux conditions difficiles de la montagne. Nous discutons longuement autour d’un thé, partageant des souvenirs et des nouvelles du village.

Un peu plus tard, nous rencontrons un vieil ami, un producteur de pommes. Dans ces montagnes, les pommes sont célèbres pour leur goût authentique, loin des produits standardisés que l’on trouve en ville. Ses pommes sont véritablement bio, cultivées sans produits chimiques, et il nous promet de nous en envoyer à Casablanca. Cette rencontre illustre encore une fois la générosité et l’attachement à la terre de ces habitants.

Un Retour à Casablanca, le Cœur Rempli de Chaleur

Lorsque nous reprenons la route pour Casablanca, je ressens un sentiment profond de gratitude. Ce voyage à Imilchil a été bien plus qu'une simple escapade en montagne. C’était une immersion dans un mode de vie ancestral, où la simplicité et la solidarité priment. Les sourires des habitants, leur hospitalité et leur ouverture d’esprit, malgré une vie marquée par la dureté des montagnes, sont des leçons de vie. En quittant ces paysages majestueux, je réalise combien ces moments de partage et de simplicité sont précieux. Ils nous ramènent à l’essentiel : les vraies valeurs de la vie.